Claire Obscur Admin
Date d'inscription : 10/01/2016
| | Une odyssée Fantastique 2 | |
Une longue veille
Vendredi 16…
Je suis restée toute la nuit à scruter derrière ma fenêtre… On dirait que la brume prend de l’assurance et qu’elle avance. On la dirait vivante, et d’un instant à l’autre, je m’attends à voir des mains de brumes se coller aux vitres…. Mon malaise s’amplifie. Ce matin, on a sonné à la porte… Une bande de journalistes se massait aux dehors. Je n’ai pas ouvert. Toutefois, en espérant qu’ils me laissent en paix, je leur ai répondu que tout allait bien, que je ne désirais pas répondre à leurs questions, et que cette situation, au final, me convenait très bien puisque j’étais venue terminer un livre dans la paix. Étonnamment, ils n’ont pas insisté. Maintenant, je me demande si j’ai bien fait. Le soir tombe. Je ne le sais pas parce que je vois la nuit tomber, je le sais par l’horloge, car depuis quelques jours, il n’y a plus ni jour, ni nuit… Ce doit être la pleine lune et le coton épais dilue aussi bien la clarté du soleil que celle de la lune… Rien ne change, sauf les résilles qui se transforment et créent des labyrinthes incertains devant ma fenêtre en s’étendant comme des tentacules. (je savais bien qu’il y aurait des tentacules !). J’ai une frousse du tonnerre ! Mais j’ai pris une grande décision. Je vais veiller, observer, noter afin que tu sois, heure par heure, le témoin de ce que je vis…J’ai rempli mon stylo et le flacon, je garde mon bloc note sur moi, et mon dictaphone aussi… Tu sais qu’ici, la maison est alimentée en électricité par des panneaux solaires… Tu imagines l’état actuel avec ce brouillard épais qui les prive de toute source de chaleur ! Si j’étais accro à l’ordinateur et à toutes ces choses que la civilisation nous a apportées, je ne m’en remettrais pas… Pourtant, il m’arrive de regretter de ne pas pouvoir nous "skyper"… Je t’aurais montré le monde qui m’entoure… Le chauffage électrique est coupé bien évidemment, heureusement, j’ai pu relancer la cheminée, car comme tu t’en doutes, grandes frileuses que nous sommes toutes deux, je commence à trouver qu’il fait frisquet.Cette nuit, je me suis endormie dans le fauteuil, je n’ai rien écrit d’autre que ces deux précédents paragraphes, et ce matin, le stylo est vide… Il ne reste rien dans le flacon non plus. Il se passe quelque chose la nuit…Alors, voilà ma décision pour les prochaines heures nocturnes. : vitamines C, bombonnes de café, chewing-gums, sont posés là, juste à côte de moi. Je viens de remplir le stylo et le flacon d’encre, je suis allée reposer la recharge entamée dans le placard de la réserve, je ne voudrais pas qu’elle se vide aussi.Je ne dormirai pas, non, je ne dormirai pas, je surveillerai, je garderai les yeux sur ce flacon que j’ai disposé devant la fenêtre. Je veux voir et comprendre ce qui se passe. Samedi 17. Raté, le flacon est vide, je me suis endormie au petit matin, il devait être 5 heures… Pour rien, car je n’ai rien vu. Rien. Rien de rien. J’enrage. Mais ce soir, je recommence…Dimanche 18Cela se répète, même heure, même galère, même déception : le brouillard est toujours aussi dense, la forêt semble se dévoiler de plus en plus, et surtout, j’ai l’impression que les murs se déforment, que la maison s’allonge dans un sens et rétrécit dans l’autre, comme la peau d’un citron que l’on presse, ou comme un ballon gonflé sur lequel on appuie… Mais dans un ballon, il n’y a personne qui vit à l’intérieur… S’il éclate… Mon Dieu, je divague !Je dois peut-être être dans un long rêve et je vais me réveiller… Ou alors, pire, je n’existe que dans les rêves de quelqu’un d’autre, je vis pendant qu’il dort et quand, à 5 h du mat, ce quelqu’un d’autre se réveille, c’est moi qui m’endors… Ça me fait dire que si les choses redeviennent normales, il faudra que je laisse du temps à mon sommeil, au cas où, pendant que je dors, quelqu’un se met à vivre… Laisser du temps à ce quelqu’un, ce double peut-être, un autre moi en quelque sorte… Mais, alors, moi ? Je suis le double ou le « moi » de qui ?Je déraille… Gavroche, je tremble. J’écris les dates des jours prochains en laissant les espaces d’écriture, un pressentiment ? Une lubie ? Je ne sais, mais je suis fatiguée, j’ai peur que cela s’empire et que je m’évade loin de la réalité. Si je marque les dates, et que je perds pieds demain, lorsque je reprendrai mes esprits je saurai peut-être retrouver ce que j’ai perdu en voyant les dates restées vides. Histoire de me donner une trame. Cette nuit, je n’écrirai pas, je ne m’endormirai pas !Comme ça, si je rêve, je continuerai mon rêve.Mais, si je suis le produit du rêve de quelqu’un, je ne laisserai pas ce propriétaire se réveiller… Pas question… Je vais le tenir endormi. Et si je suis dans la réalité, c’est moi qui ne me réveillerai pas, parce que je ne m’endormirai pas…. C’est dit. 21 h, le coton semble s’être noirci 22 h rien. 23 h, les résilles se multiplient lentement 00 h, les arbres chuintent… Ou c’est le vent ? 01 h, je bois mon 4e café et je croque une vitamine C02 h, c’est de plus en plus dur, cette fenêtre est monotone. 03 h, c’est bizarre, il me semble que les résilles enflent… Et qu’elles se décolorent… Je préférais quand la fenêtre me semblait monotone. 04 h, j’en suis sûre, elles se décolorent en même temps… Je ne quitte pas l’encrier des yeux… O4 h 20 ça bougent, ça enfle, il n'y a plus de terrasse, la brume s'écrase contre la vitre04 h 30, les veinules sont descendues, je ne les vois plus...04 h 40 des ombres semblent se profiler sur le sol04 h 50 la brume en haut descend pour de faire pressante en bas...Ce sont bien des arbres... Des arbres dans la brume 04 h 55 les résilles attaquent la vitre, elles glissent, elles rampent comme des serpents, ô mon Dieu…04 h 59…. Oh !Oh ! Rhââââââââââ... Lundi 19 Mardi 20 Mercredi 21 |
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31.05.16 9:16 par laurent P