Claire Obscur Admin
Date d'inscription : 10/01/2016
| | Moïse : histoire d'une sculpture volée | |
Moïse : sculpture en noyer d'Oregon. 50 cm de hauteur environ De Sylvie-Shamballa Claudepierre Aujourd'hui je veux vous raconter l'histoire d’un Moïse qui n’a pas été sauvé des flots de mensonges… et ça me fait hurler…Aujourd'hui, je vous présente une de mes premières sculpture puisque je l'ai faite durant mes années de débutante, entre 1993 et 95.Il faut que je vous parle de ce bois magnifique qu'est le noyer d'Oregon. Un bois, qui lorsqu'il est sculpté et poncé vire à la couleur noire...en tout cas le tronc que j'avais a travaillé ainsi... Un beau brun foncé et chaud, presque noir... Moi j'avais eu de la chance en plus car des veines de bois claires s'étaient glissées à l'intérieur et si au départ, elles sont apparu comme une sorte de catastrophe, parce qu'elles se situaient de façon aléatoires, elles sont apparues ensuite comme une merveille, on aurait dit qu’un rayon de soleil illuminait le coté de son visage et un bout de sa main... Je ne peux guère vous le montrer sur la photo, je n'ai que celle-ci, et croyez bien que j'en suis affligée pour deux raisons... si j’avais su ce qui allait arriver, je l'aurais bien plus photographiée...Et d'ailleurs je ne l'aurais pas bougée de chez moi... Mais j'avais tellement eu peur de la rater, que lorsque je l’ai eu finie, et que l’ai vu réussie, surtout dans les yeux de mon fils aîné qui n’arrêtait pas de la regarder émerveillé, je n’ai pas réfléchi. Celle là, (commencée à mi parcours de celle qui s’appelle Souffrance) je l’exposerai, et j’allais l’emporter avec moi au concours de sculpture de St Jean en Maurienne. J'avais beaucoup étudié le projet, j’avais même fait une maquette, ce que j'ai horreur de faire, mais là il me fallait être précise dans le mouvement que je voulais donner.Le mouvement transcrit l'émotion, la nature de ce que l'on veut mettre dans l'intensité de l'être que l'on est en train de sculpter... le mouvement, l'étude de la position d'une épaule, d'une main, d'une simple position de la tête ou autre vont montrer ce que l'on veut transcrire... Douleur, force, espoir, quand on étudie bien, un seul muscle peut tout changer... Pour mettre toutes les chances de mon côté j'avais réalisé une maquette, qui présentait peu de différence entre elle et la sculpture que je décidai de faire ensuite... Elles avaient toutes deux, exactement la même position du corps à un petit détail près, mais un détail de... taille ! En effet la maquette montrait un homme à genoux, le torse et la tête droite, une main posée sur le bout d'un genou, l'autre campée sur sa hanche...Cela n'allait pas du tout, au lieu d'un homme humble, plein d'admiration pour son Dieu, j'avais devant moi le dernier des Mohicans. Fier guerrier qui jurait qu'il ramènerait des scalps... Oups j'en ai reçu un coup au cœur… La maquette est jolie, mais pas question que je la reproduise à la lettre. Alors j’ai changé les positions des mains. La main qui était à la pointe du genou glisse légèrement sur le côté, pour atténuer ce côté conquérant, et l'autre qui était sur la hanche vient se poser paume ouverte vers le ciel... Le côté guerrier et volontaire s'en va au profit de l'accueil et du "remerciement"... Voilà, je voulais Moïse comme cela... dans la louange et la prière plus que dans la gloire et la fierté. Et après l'avoir finie, j'étais contente, parce que je ne m’étais pas trompée, ni dans la posture, ni dans l’expression, ni dans les proportions, c’était aussi le premier visage de cette taille que je faisais, et il était doux, et beau, les finitions étaient impeccable au point de croire que la parure qu’il avait sur les épaules était en cuir… Elle était belle, les yeux de mon fils le disaient et je le croyais. Il faut dire que très souvent ce sont les yeux de mes fils qui m’ont fait voir les choses que je faisais, belles, sinon par moi-même je trouve toujours quelque chose qui va pas, mais je dois avouer que pas pour celle là… Celle là les yeux de mon fils la sublimait, mais de moi-même j’en étais fière… et puis je vais vous dire, plus tard, pourquoi je l’aimais particulièrement…Donc que je suis partie l'exposer lors de ce concours de sculpture... durant cette manifestation publique, un restaurateur du village de St Jean en Maurienne, me demande si ça m’intéresse de laisser des sculptures en expo dans son établissement. Je vais visiter, et le gars me fait l'article, c'est un restaurant pour l'insertion d'handicapés, ça leur ferait plaisir, etc... Je ne suis pas du genre à me séparer de mes affaires aussi loin de chez moi, et aussi longtemps... Mais je ne sais pas pourquoi, je me suis laissé attendrir…évidemment, pas de papier signé, pas de contrat, juste un prêt "pour faire" plaisir... Un mois plus tard, quand je suis repartie chercher mes sculptures.Je craignais qu'elles aient été malmenées, cassées, ou qu'un simple verre d'eau se soit renversé sur une sculpture cirée et ne l’ai endommagée jusqu’à ce que je sois obligée de la décapée entièrement de sa cire et de la « reponcer » à fond en recommençant tout le long travail de finition. Mais ce fut bien pire Moïse avait disparu... Plus de 50cm de haut, presque autant de profondeur, quelques 35 cm de large, très lourde, car le noyer d'Oregon est un bois dense, très serré et malgré son volume et son poids (pas du genre à être glissée sous un manteau) elle n'est plus là, et le gars fait l'andouille et me répond, « ah, ben oui je me disais bien que quelque chose n'était pas normal... » Bien sûr il y a eu des suites. Deux ans plus tard... Les gendarmes avaient retrouvé ma sculpture chez un représentant, ami du restaurateur, à qui il avait voulu "faire une blague". Donc vous vous dites, tout va bien la sculpture a retrouvé sa maison... et bien non, cette sculpture a été soi disant stockée dans les locaux du parquet d'Albertville... C'est ce qu'on m'a dit... malgré toutes mes démarches pour la récupérer, je n’ai jamais pu. l'officier de gendarmerie a prétendu une perte de N° de caisse… Facile hein ? Il aurait fallu que je reporte plainte, et vu le dossier qu'on me demandait, je ne pouvais pas retrouver toutes les dates concernant les actions menées suite à la constatation du vol.Alors je n'ai pas de meilleure photo, mais elle est gravée dans ma mémoire... Mais le pire ce n'est pas cela... Le pire de tout, le truc qui déchire, c'est que cette sculpture, je l’avais réservée pour les 18 ou 20 ans de mon fils… enfin disons la remise officielle, car il était encore petit garçon, mais il savait qu’elle lui était acquise. Il savait qu’un jour, quand il serait en mesure d'avoir son habitation, il l’emmènerait chez lui.... Et il avait été si heureuxJe ne vous raconte pas comme cela a été dur pour nous deux... Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas la refaire ?Parce que pour moi, une sculpture, ça ne se refait pas… Les tripes, la communion incroyable du moment n’existe plus… On peut essayer, mais ce ne sera pas la même… car elle ne transportera plus la même énergie. Une sculpture est unique, sauf celles qui sont refaites dans des moules, genre les bronzes… évidemment celle-ci ne sont que des copies d'un original qui peut être fait à partir d’un modèle en savon…impossible je crois pour moi, de mettre mon âme dans un morceau de cire ou de savon… Voilà, mon jeune Moïse, à genoux devant l'immensité, qui avouait à son Dieu, l'angoisse de son inexpérience face à la tâche ardue qui lui était confiée. Lui qui réclamait aide et indulgence... enfin tel que je le voyais dans mon cœur, si l'on est tenté de croire qu'il y a quelque part un être suprême qui distribue des missions... Et bien toi mon Moïse, tu es quelque part, et je ne sais pas où... et ça fait mal… mais tu n’es pas au fond d’une caisse, ça, ça m’étonnerait… on n’est pas dans un film d’Indiana Jones ! Pfffff ! Je suis dégoûtée. Et à vous qui me lisez, je vous dis à bientôt, je suis désolée de finir dans une note de rage, mais de revoir et d'écrire tout ça, ça m'a É-NER-VÉE... |
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16.03.16 15:51 par Claire Obscur