Tu grattais obstinément les draps de ton lit
Tu montrais, inquiet, de tes yeux affolés
L'invisible à nos yeux mais que toi tu voyais.
Nous on était là, regardant tes soubresauts
Accompagnés de l’œil qui demandait secours
Tu n’avais plus la force de pousser des cris
Tu étais allongé, prisonnier, muselé,
Tu te savais perdu, nous ne pouvions nier
Tu avais refusé et perruque et chapeau
Nous étions impuissants devant le souffle court
De ton corps émacié, qui’n pesait plus bien lourd
Quand tu grattais les draps on savait bien pourquoi
Morphines et palfium pour chasser la douleur
Donnaient en échange des visions d’horreur
Qui t’offraient en pâture à des monstres voraces
Nous grattions avec toi ce qui te faisait peur
Espérant t’apaiser jusqu’à ce que ça passe
Mais les cauchemars étaient là sous notre toit.
Tu luttais affaibli avec un air hagard
Repoussant la piqure infernale au plus tard,
Préférant supporter jusqu’à ne plus pouvoir
La douleur mortelle t’emportant peu à peu.
Plutôt que succomber aux peurs des cauchemars
On refoulait nos larm’on espérait l’espoir
Mais la souffrance avait des crocs déjà terreux
Et n’en finissait plus de promettre le noir
La nuit venait déjà s’infiltrer dans tes yeux
Et pourtant ton murmure quêtait le pardon,
Comme si tu étais vil auteur d’une faute,
Tu t’inquiétais pour nous, t’accusant d’abandon
Dans cette destruction dont tu n’étais que l’hôte,
Tu pensais à nous, ta femme et tes deux filles,
Tu oubliais que tu n’avais plus d’avenir
Pour ne t’inquiéter que de notre devenir.
Mais nous, juste on t’aimait, nous étions ta famille.
Comment dire alors que ta crainte était aiguille,
Que ce souci pour nous filait comme une anguille.
Papa, mon papa, c’est ta vie qui s’enfuyait
Papa, mon papa, l’avenir on s’en fichait.
Maman à ton chevet à se faire disputer
Loin de la maison dans l’éther et les murs blancs
Juste trois minutes elle s’est absentée,
Trois minutes pour se laver, prendre un café.
Qu’elle n’a pas bu, toi tu en avais profité.
Tu es parti ce jour d’avril seul et discret.
La souffrance a fini d’allonger sa douleur
Et mes vers sont pour toi dans cette vie d’ailleurs
Papa, papa mon papa, quarante ans déjà,
Rien ne s’est effacé, je pense encore à toi,
Tu t’es perpétué, tes filles ont des enfants,
Et un arrière enfant seulement pour l’instant,
Tu vois, papa mon papa, tu es toujours là.
écrit et posté sur Ipagination (vaincre le cancer)
en novembre 2014
25.11.16 9:18 par Vividecateri