Claire Obscur Admin
Date d'inscription : 10/01/2016
| | Une odyssée fantastique 3/3 | |
La forêt de Gavroche Jeudi 22, Il faut que je reprenne mes esprits… Que je retrouve ce passé de quelques jours qui s’est dérobé… Pour l’heure, mes idées se bousculent, des questions me poursuivent sans relâche… Où étais-je, comment suis-je partie ?... Et… revenue ? Comment, où, pourquoi ? Est-ce que je ne me la fais pas à l’envers ? Dans quel ordre faut-il que je me pose les questions pour avoir une chance d’y répondre et de reconstituer le puzzle ? Gavroche pourquoi habites-tu si loin ? J’ai besoin de parler à quelqu’un, mais le seul fait de sortir me mettrait en face de gens qui ne comprendraient rien ! Toi, tu pourrais, nous avons si souvent dit qu’on avait le même grain de folie ou que la même fée-sorcière s’était penchée sur notre berceau…
Gavroche, je crois que j’ai trouvé Ta forêt !
Lorsque j’ai observé que les veinules s’épaississaient et qu’elles se décoloraient, j’ai redoublé d’attention...Surtout vers ces cinq heures butoir ! J’avais raison, mais cela n’a rien changé… Quand j’ai compris, il était trop tard. À cinq heures pile, l’encrier et le stylo se sont vidés en même temps… en même temps... que moi ! Oui, je ne sais l’expliquer, mais je me suis liquéfiée… me mélangeant à l’encre… Les lattes du plancher nous ont laissé passer… elle-moi, moi-elle, 2moi'zelle, car dès l’instant où mon corps s’est intégré à l’encre, nous étions devenues « une » Je n’eus alors qu’une idée en tête. Une seule. Trouver les matrices des mots. Là où ils se forment. Pour leur donner la fluidité et les faire naître. 2moiz'elle tournait. Je sentais qu’elle avait son propre vouloir et que c’était le mien qui se calquait au sien… Je vais donc rester avec le « 2moi'zelle» en parlant de nous. Mais même si nous étions « une », elle en était le maître. Tournant, empruntant les chemins des résilles qui apparaissaient et disparaissaient. Explorant comme une langue de tamanoir… Rampant, s’insinuant dans cette mélasse humide et froide d’où elle tirait son énergie. Je la sentais grogner, car elle vibrait. Et c’était comme des grondements alternés de milliers de murmures. Et puis nous intégrâmes les résilles et elle se calma. C’est ainsi que je reconnus un lieu… Je me sentais bizarre, j’avais l’impression d’être chez moi, je connaissais les moindres recoins, les moindres bosses, les moindres méandres ! J’étais une rivière d’encre, et je sus que je l’avais toujours été. L’encre faisait partie de moi, comme moi je faisais partie de cette rivière, et comme ma rivière était liée à une forêt… Et que cette forêt attendait et réclamait cette rivière d’encre… J’ai traversé la brume humide, je suis arrivée, là, au pied des arbres… Et là, j’ai su que j’avais trouvé Ta forêt… La Forêt de Gavroche !
Oui, te souviens-tu du jour où tu m'as dit :- « J’vais faire un tour en forêt, des fois que'j'trouv' ma muse… Je vais prendre un calepin, ah, et oui, un stylo aussi, au cas où une idée me sauterait dessus*… Parce que nous, toi autant que moi, on va pas les chercher les idées, non, elles nous sautent dessus depuis toujours, hein ? »** Un petit gloussement de nous deux, et puis tu as rajouté… - « Houlàlà, oui, faut que je pense au stylo, parce que je les perds tous là bas ! Je m'assois souvent au clair de la lune pour écrire un mot, et quand je rentre, je n'ai plus de stylo… Chaque fois, chaque fois, c’est pareil ! Je le perds là bas !»*** Moi, ça m’a fait rire de la façon dont tu l’as dit, et ça m’a aussi fait rire parce que je vais écrire souvent au bord de la rivière du lac, mais moi je perds mes bloc-notes et mes bouts de papier ! ****Et tu as repris, presque sur un ton de confidence évidente… - « Ma parole, j’te jure, MA forêt doit être pleine de stylos ! » Et c’est là, à cet instant précis, que j’ai vu ce que j’allais voir quelques temps plus tard, en vrai, quand je serais dans la maison du lac… J’ai vu, oui, en imagination, et en m’amusant d’ailleurs, la photo exacte de cette réponse que je t’ai faite ! « Alors maintenant, c'est peut-être une forêt de stylo ! » Et, cette forêt-là, elle était déjà dans ma tête, avec ses arbres, aux branches pleines de stylos !
J’ai ainsi fait une odyssée extraordinaire ! Dans ma rivière d’encre, j’ai trouvé ta forêt, Gavroche, celle des stylos !
Ainsi, tu gardais les arbres de quoi faire mon papier, et moi je gardais la rivière de ton encre. Celle qui remplirait les stylos au moment de leur éclosion !
Ce que j’ai vu, jamais je ne l’oublierai. Jamais ! Mais je crois savoir, que maintenant tu l'as vu aussi !
Lorsque ma rivière se glissa au pied de tes arbres, lorsque l’encre qui était tienne, en fait, entra en contact avec les troncs des arbres aux feuilles de papier qui étaient miennes, les fleurs de stylos vides se remplirent… Et les fleurs devinrent des stylos pleins…. Des milliers de stylos-fruits qui crachaient des pépins de lettres. Ma rivière de Ton encre avait trouvé Mon papier de Ta foret. Et les lettres écrivaient des mots avec ton encre sur mes feuilles. Je vis alors sortir de la brume des centaines « d’écriveurs », certains que je reconnus, pour les avoir déjà vus, mais, lorsque je te vis toi, mon amie de courrier que je n’avais jamais vue, je sus que c’était toi. Et tous, nous étions là pour venir prendre notre part de mots… Je compris alors ce qu’étaient les murmures de l’encre et les chuchotements des arbres… Je vis la brume reprendre sa place dans chacun de nous, là où il y a la matière grise.*****
Nous sommes le jeudi 22, je suis sur une pile de feuilles de papier. Je cours dessus, liquide, légère, ma cartouche est remplie d’encre jusqu’au bord et ne tarit pas… Je monte et je descends, je vise et je pointe, j’exclame, j’interroge, je n’ose dire que je tire aussi, mais oui, je tire… Et chaque fois que je saute, un espace j'entends, un mot s’est écrit… Dans quelque temps, quand ce « manuscrit » (je devrai dire ce « styloscrit », puisqu’aucune main ne me tient) sera fini, je sais que je rentrerai chez moi pour te l’envoyer… Cependant, il me faut rester encore un peu comme cela, puisqu’il n’y a que dans cet état de « stylo plume heureux » que je peux détailler en style haut, cette merveilleuse excursion… Me prend à espérer que je recevrais peut-être un autre styloscrit, le tien, si toi aussi tu as trouvé ma rivière ! Et peut-être même des tas de manuscrits venant des muses qui murmurent et des « écriveurs » qui chuchotent.
Bientôt, je reprendrai ma vie. Mais il nous restera le souvenir écrit à l’encre de tes stylos perdus sur mes papiers retrouvés…* c'est vrai ** à votre avis ? c'est vrai ou c'est faux ? *** c'est vrai ! ****c'est faux, bien sûr ***** ça explique beaucoup de choses, vous saurez où vous êtes quand il vous semble que votre cerveau est en coton ou que vos idées sont brumeuses !
Dernière édition par Claire Obscur le 01.06.16 20:24, édité 1 fois |
|
01.06.16 14:35 par Vividecateri