Véro D.
Date d'inscription : 22/01/2016
| | La girafe et son cou (suite et fin) | |
...C’est alors qu’elle vit un petit animal s’approcher en bondissant. Blanc des pieds à la tête, avec de grandes oreilles. Le lièvre s’arrêta devant elle et lui dit d’un ton admiratif :— Comme tu es jolie ainsi, girafe, avec ce long cou !— Merci, lièvre. J’aimerais tant le garder la journée aussi…, fit-elle tristement.Le lièvre la considéra un moment en silence, puis lui répondit :— C’est grâce aux feuilles de cet arbre que ton cou grandit comme cela, n’est-ce-pas ? Je le sais, car moi aussi, je mange une feuille toutes les nuits, c’est ce qui me permet de bondir aussi haut. Je suis prêt à parier que c’est la grenouille qui t’a interdit d’en manger plus de deux, je me trompe ?— C’est vrai, lièvre. Elle m’a dit que si j’en mangeais trop, l’arbre mourrait et qu’il n’y aurait plus de feuilles.— Sornettes ! Si la grenouille dit cela, c’est parce qu’elle veut garder plus de feuilles pour elle et ses sœurs. Je connais un moyen pour que ton cou reste long de façon permanente.— Ah ? Et que dois-je faire ? demanda la girafe, intéressée.— Mange deux feuilles de plus. Ton cou grandira tant qu’il atteindra la lune. Alors, il t’en faudra croquer un morceau. Car c’est la lune qui donne ce pouvoir à l’arbre, et il est plus puissant sur la lune. La taille de ton cou diminuera aussitôt, mais restera long comme maintenant.La girafe était très tentée de suivre la proposition du lièvre, mais la mise en garde de la grenouille la faisait encore hésiter. Voyant cela, le lièvre lui dit :— Regarde, il y a encore beaucoup de feuilles sur l’arbre. En manger deux de plus maintenant ne le fera pas mourir. Ensuite, tu n’auras plus besoin d’y retourner, puisque tu garderas un long cou. La girafe, convaincue, retourna près de l’arbre et mangea deux feuilles. Elle se sentit alors prise de vertige. Son cou grandit à toute vitesse, dépassant la cime des plus grands arbres, puis les nuages. Tout était noir autour d’elle, elle ne voyait plus que la lune, devant elle, dont elle se rapprochait à vue d’œil. Elle ne distinguait plus le reste de son corps, resté loin en bas, sur terre, ainsi que la savane et les arbres. Son cou grandissait toujours, il lui semblait que cela ne n’arrêterait jamais. Affolée, elle regretta de ne pas avoir écouté la grenouille, mais il était trop tard. Enfin, sa tête atteignit la lune, et son cou s’arrêta alors de grandir. A la fois heureuse et effrayée, la girafe contempla la sphère blanche et lumineuse. Elle avait tant désiré l’atteindre un jour ! Si elle avait su alors que ce serait pour en croquer un morceau… La girafe hésita. Devait-elle écouter le lièvre ? Il le fallait bien, si elle voulait garder ce long cou. Alors, elle ouvrit la bouche, et doucement, croqua un tout petit bout de lune. Dès qu’elle l'eut avalé, elle sentit que son cou commençait à diminuer, pour revenir à une taille acceptable. Fatiguée par tant d’émotions, la girafe s’étendit près de l’étang et s’endormit aussitôt. Le lendemain, quelle ne fut pas sa surprise de constater qu’elle avait gardé son long cou ! Finalement, se dit-elle, j’ai bien fait d’avoir écouté le lièvre.Elle retourna vers les autres animaux, qui furent bien étonnés en voyant son nouvel aspect. Plus personne ne se moqua d’elle. La gazelle, autrefois dédaigneuse, lui enviait son long cou gracieux. Seule la hyène continuait à ricaner. Mais la girafe n’y prêtait pas attention. Elle s’était bien regardée, celle-là, avec son arrière-train plus bas que le haut du corps ?Cependant, la girafe remarqua qu’un autre changement s’était produit : sa voix était moins forte qu’avant. Elle mit cela sur le compte de la nouvelle taille de son cou.Plusieurs nuits passèrent sans que la girafe ne revienne manger de feuilles de l’arbre d’argent. Elle n’en avait plus besoin, puisque son cou était tel qu’elle l’avait toujours désiré. Cependant, un matin, elle constata que son cou avait de nouveau diminué. Sa voix était revenue. Les effets n’étaient donc pas permanents, le lièvre lui avait menti ! Elle n'avait croqué qu'un tout petit morceau de lune l'autre nuit, sans doute fallait-il en croquer un bout plus gros. Elle revint donc près de la mare la nuit suivante. Elle remarqua que l’arbre avait moins de feuilles qu’avant. Quelques-unes commençaient à se dessécher et beaucoup étaient tombées. Elle hésita, puis en avala quatre d’un coup. De nouveau, son cou s’allongea jusqu’à atteindre la lune. Elle en croqua un autre morceau un peu plus gros que le premier. Le lendemain, la girafe avait de nouveau un long cou. Mais sa voix était si faible qu’elle ne pouvait plus chanter. Le nouvel aspect de la lune, diminuée de moitié, étonna et inquiéta les autres animaux. Que lui arrivait-il ? Allait-elle disparaître ?La girafe garda son long cou un peu plus longtemps que la première fois, mais au bout de quelques temps, sa taille diminua à nouveau, et elle se vit contrainte de revenir près de l’étang. A chaque fois, qu'elle croquait un morceau de lune, celle-ci s’amenuisait un peu plus, prenant peu à peu une forme de croissant. L’arbre perdait de plus en plus de feuilles. La girafe gardait son long cou, mais sa voix était à chaque fois plus faible. Une nuit, voyant qu’il ne restait de la lune qu’un mince croissant, la girafe prit peur et décida de ne plus retourner à la mare. Elle se tint à cette résolution plusieurs nuits. Mais son cou diminuant à nouveau, elle ne put se résoudre à rester ainsi et retourna près de l’étang. Sur le vieil arbre ressemblant désormais à un squelette décharné, il ne restait plus que quatre feuilles. Qu’ai-je fait ? se dit la girafe, prise de remords. Mais le croissant brillant, là-haut, la tentait tellement… Elle croqua les dernières feuilles. Arrivée là-haut, elle engloutit d’une bouchée le dernier morceau de lune. Le ciel devint noir.Elle se réveilla juste avant l’aube près de l’étang. Dans le ciel encore noir que rosissait peu à peu l’arrivée de l’aurore, la lune avait disparu. Plus aucune feuille sur le vieil arbre désormais desséché. — Côa, qu’as-tu fait ? Je t’avais pourtant dit de ne pas manger plus de deux feuilles à la fois…La grenouille se tenait près d’elle, la regardant d’un air de reproche. La girafe voulut répondre, mais aucun son ne sortit de sa gorge. — Tu avais le cou que tu voulais, pourquoi désirer plus ? Maintenant, l’arbre n’a plus de feuilles, dans le ciel, plus de lune, et toi, tu as perdu ta voix.La girafe la regarda d’un air désolé. Elle regrettait ce qu’elle avait fait, mais il était trop tard.— Heureusement, l’arbre n’est pas tout à fait mort. La lune va revenir petit à petit, ce qui fera repousser les feuilles de l’arbre. Tu garderas toujours ton long cou. Mais comme tu as désobéi, tu as perdu ta belle voix…Comme l’avait prédit la grenouille, nuit après nuit, la lune reparut peu à peu dans le ciel, et l’arbre se garnit à nouveau de feuilles d’argent à mesure que la lune grossissait. Le long cou de la girafe faisait l’admiration de tous, et désormais celle-ci n’avait plus besoin de se cacher dans la journée, car plus aucun animal ne se moquait d’elle. Parfois, quand elle contemplait la pleine lune, elle regrettait de ne plus pouvoir chanter. Mais son nouveau cou suffisait à son bonheur. Elle ne retourna jamais près de l’étang. Voilà pourquoi, depuis ce jour, la girafe a un long cou et est muette...
Dernière édition par Véro D. le 06.04.16 9:33, édité 1 fois |
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03.04.16 23:31 par Claire Obscur