Sculpture réalisée en noyer.
45 cm environ.
Pardon pour la qualité de l'imagece sont de vieilles photos,et je ne suis pas douée dans la discipline.Il faudra attendre un bon momentavant que la qualité de mes photos s'amélioreVoir le poème sur
https://voyagination.forumactif.org/t163-le-secret-de-la-vague#1293Le secret de la vague
L'image de cette sculpture est née lorsque je revenais d’un concours de Sculpture… Mon tout premier concours…
La peur au ventre, j’étais partie me mesurer avec des « grands ». Je sculptais depuis même pas six mois… Ma témérité ou bien mon inconscience étaient plus fortes que ma timidité… À ma façon j’étais une guerrière, provoquant des situations précaires en me lançant des défis insensés…
Je n’allais pas « jouer », j’allais « gagner ». C’était ma façon d’être, si je ne gagnais pas, je renversais le jeu. Vrai de vrai…. Mais lorsque je me confrontais à d’autres défis qui avait un public, s’il m’arrivait, comme ce fut en ce concours, de ressentir l’échec, je ne renversais rien, si ce n’est moi-même, en tombant dans un spleen quasiment mortel ou tout me semblait perdu…
Jusqu’à ce qu’un autre projet ensevelisse le sentiment de défaite… Longtemps j’ai souffert d’être ainsi faite. Maintenant que je ne suis plus en mesure de relever quelques défis, je n’en ai plus envie non plus. Je regrette seulement que lorsque je vivais ce qui aurait pu être des victoires, je n’en goûtais pas non plus le plaisir, ne regardant que le défaut et les choses à parfaire…
La défaite me plongeant en désespoir, il aurait été appréciable que la victoire me plonge en liesse… Mais je n’ai rien connu de tout ça. Perfectionniste ? Éternelle insatisfaite ? Peut-être ou peut-être pas… c’était la seule façon que je connaissais pour aller de l’avant.
J’ai toujours créé, depuis petite, inventé, démonté, bricolé, réparé sans arrêt… Je me suis toujours dit… T’es un garçon manqué… et aussi une fille manquée… En gros, je suis manquée.
La veille de ce jour, donc, je m’étais couchée très tard, préparant minutieusement tout l’attirail de ce qu’il faut au sculpteur d’aujourd’hui, qui doit réaliser en deux jours une sculpture en ronde-bosse, dans un tronc de 70 cm de hauteur et de 30 à 40 cm de diamètre. J’avais rempli ma voiture avec une piteuse tronçonneuse et 3 gouges, des perceuses, des meuleuses dotées de l’attirail classique, et de toutes sortes d’outils que j’avais inventés pour aller plus vite… De faible gabarit, ayant conscience que mon manque d’expérience s’ajoutait à une fragile constitution à l’endurance limitée, je croyais avoir mis toutes les chances de mon côté… j’étais loin de la réalité.
Lorsque j’arrivais, au bout de 2h de route au rendez-vous de 8h proche de la frontière italienne… Je faillis repartir… Je ne pouvais même pas envisager de sortir de la voiture, une petite Ford fiesta, remplie à craquer de mon fameux matériel, agrémenté d’un misérable établi qui allait me faire honte, d’un gros rouleau électrique qui allait fondre, de rallonges en pagaille, et d’une maquette en terre (mon Dieu j’ai horreur de travailler la terre, mais la maquette dans un concours permet de gagner parfois un temps précieux…). Et devant moi, debout, devant leur J9 ou leurs gros 4X4, des hommes grands comme des bûcherons, qui se serraient des pognes grosses comme des abattoirs, se connaissant manifestement tous, et qui parlaient Italien pour la grande majorité…
Moi, 1m58 à tout casser, 46 kg à l’époque, seule fille devant ces gros et grands bonhommes qui sortaient des tronçonneuses longues comme 3 de la mienne, mises bout à bout… déchargeant en sifflotant, et à bras le corps, des établis gros comme des rochers et des malles de matos à faire pâlir un docker… Comment j’ai trouvé le courage de sortir ? Comment j’ai trouvé le courage de m’avancer pour me présenter ?
Je m’entends encore me dire « ah, non, tu ne vas pas t’enfuir ! tu ne t’es pas levée à 4 h du mat, (déjà à l’époque, et depuis toujours insomniaque des débuts de nuits, me lever à 4 h c’était un sacré exploit.), tu n’as pas préparé tout ton barda depuis des jours, tu ne t’es pas mis la pression comme une cocotte minute, pour repartir ! Glup ! Mâchonnant ma trouille, j’ai ouvert la portière, pour me faire accueillir par un homme qui me regardait l’air amusé…
Sans même jeté un œil à mon nom, il me nomma, interrogatif… Ok, j’étais repérée… Je voyais bien que certain me regardaient de toute leur hauteur… et moi je rapetissais de seconde en seconde… Mon cœur battait tellement que j’aurais pu m’écrouler, si ce n’était cette volonté qui me faisait serrer les poings et même la mâchoire.
En plus, je n ‘avais rien compris au thème. Ou plutôt, comme la manifestation s’appelait la foire aux plants, j’avais cru qu’il en fallait respecter l’idée… Mon projet était de faire une grande poire (je ne sais pas si je me suis rendue compte du côté cocasse de mon choix) avec le haut découpé et ouvert à la verticale, possédant une tige et deux feuilles finement ouvragées… et un gros vers qui sortait en tenant le bord de la poire avec deux grosses paluches, et la bouille de nos futurs émoticônes. Quand j’y pense je ris.
Bon, oui, d’accord, sculpteur de mes deux, si tu en venais au fait ?
Holà, patience, on ne me bouscule pas, ok ?
J’ai attaqué ma sculpture, et comme si mon mal être ne suffisait pas, il a fallu accentuer ma honte lorsque, comme j’étais trop petite, j’ai dû monter sur une table pour dégrossir à la tronçonneuse le tronc fixé sur mon établi bancal… et bien même au dessus de leur tête j’avais encore l’impression qu’ils m’écrasaient de leurs regards hautains… Je devais être rouge comme une pivoine ! Bref, je me demande comment les gars se sont retenus de rire… mais c’est bien là le seul acte civique dont ils ont fait preuve… de tout le Week-end, jusqu’aux repas pris en commun, pas un ne m’a adressé la parole… heureusement, un « petit ange », la petite fille du responsable est venue me tenir compagnie les deux jours…
Bon alors ça vient ? Oui, oui voilà. Et bien je n’ai pas eu de prix ! Et si j’en étais dépitée, j’en étais plus encore étonnée vu les commentaires du public qui s’attroupait autour de « ma poire véreuse », trouvant le sujet hors du commun et plutôt sympathique. En plus j’en étais arrivée à bout et avais réussi à la fignoler plus que prévu… Le mal total ne vint pas du fait que je ne gagnais pas… Mais du fait d’une certaine maladresse de l’animateur qui vint me dire en catimini que j’avais des chances de l’emporter et, qui lorsque les dès furent jetés, essaya de se rattraper, je pense, en m’annonçant qu’à deux voix près je serais arrivée primée… Lui le faisait, tout content de m’encourager, et moi je le recevais comme un coup de poignard… il faut dire que ceux qui avaient gagné étaient tous du coin ou d’anciens lauréat habitués au concours… j’avais eu tôt fait de me rendre compte que les familles entières venaient voter pour le prix du public… Je repartis le cœur en charpie, me disant que jamais je ne pourrais gagner un concours dans ces conditions… Bien que plus tard je pu à maintes reprises m’apercevoir que c’était quasiment toujours les mêmes qui gagnaient, j’avais tort…
Mais c’est lors du retour, au volant de ma voiture, en proie à un phénoménal désespoir que je sentais monter, que me vint l’image même de la sculpture que je vous présente… En quelques minutes cette image s’imposa comme une vérité et épongea une grosse partie de chagrin… car elle me remettait sur pied dans un nouveau projet…
Voilà, par la suite j’ai fait d’autres concours de plus grande envergure… mais avant cela je devais retenter l’expérience à la foire aux plants de l’année suivante… Les même grands gaillards étaient là. Mais, cette fois, quand je suis arrivée, ils se sont appelés les uns les autres et en Français ou en italien, je les entendais dire, « elle est là, elle est arrivée… et nombre d’entre eux sont venus me saluer et m’aider à décharger ma voiture qui contenait une belle tronçonneuse presque plus grande que moi… j’étais venue dans l’appréhension totale de ces deux jours, où, solitaire au milieu de la foule, je serais ignorée… Mais je m’étais fait des amis dans le silence d’un concours et d’une année entière…
Entre temps, j’ai exposé, histoire de prendre confiance en moi, sans jamais réussir à l’atteindre… même quand j’obtenais le premier et le deuxième prix… et oui c’est arrivé que je les cumule… jamais, au grand jamais je n’ai été satisfaite de ce que je faisais… Alors oui, peut-être que mon côté, que je qualifierai un peu « élitiste » est longtemps resté détestable à mes yeux, mais il n’empêche que sans lui, je ne serais jamais sortie de mon trou perdu, que je n’aurais jamais vécu ces jours exceptionnels où l’adrénaline et l’enthousiasme vous portent sur un nuage, que je n’aurais jamais connu tous ces garçons pour qui j’étais un copain, et pas une fille… et ça, c’était délicieux.
Voilà l’histoire de cette vague et de la petite sirène cachée dans son coquillage, juste sous les pieds du surfeur… à lui de savoir se casser la margoulette !
06.03.16 16:03 par Claire Obscur