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 F. (fiction) chapitre 8

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nessim

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Date d'inscription : 21/01/2016

F. (fiction) chapitre 8 Empty
10122016
MessageF. (fiction) chapitre 8

Allez savoir si ceux qui nous aiment n'emportent pas avec eux une partie de nous-mêmes.



12 décembre : j’entends des voix.
 
Vous est-il déjà arrivé de vous réveiller au clairon des mots ? De subir le choc des lettres qui se rassemblent pour taper ensemble votre boîte crânienne ? C’est un fait commun paraît-il. Moi, j’ai l’habitude de me réveiller sur le vécu des songes, des images qui s’accouplent, des nuances qui se superposent, des traits qui se rejoignent. Au réveil, j'aime faire un stop sur mirage pour capturer dans le film des grands rêves la scène qui restera au grand jour, avant que l’oubli d’après la nuit, n’opère des coupes sombres.
 
Ce matin-là, pour la première fois j’eus le réveil de l’écrivain. On avait parlé dans ma tête. "Toi et moi ne faisons qu’un…  Pas d’histoire, pas de mémoire. J’ai suivi mon chemin… Et la bouée ?… Dans mon appartement… vibre l’émotion… pour le monde… où sont les réponses?"  Les lettres…
J’étais seul, il était tard. Je me préparai très vite et descendis rapidement, la cuisine était bruyante.
 
Tout le monde était là, F. sortit au moment où j’entrai. Il me salua avant de disparaitre. Un grand HOOO collectif et sonore se fit entendre!
 
- Vite son café
Rose me paraissait en pleine forme, le rouge aux joues les yeux brillants, j’en étais heureux, elle me souriait en grand, … Ris… Vis… Grand-mère…Oublie.
- Tiens ! Georges.
Mon Ange, merci pour le çafé il manque le baiser, ha voilà... Queue de cheval, gros pull de laine, peau blanche fraîche et douce…mais d’où viennent-ils, quelle heure est il?
- Toi t’as besoin d’en fumer une !
Bienvenue Alex, merci vieux.
- Vous sortez d’où ?
- Une balade en forêt, on s’est fait un déjeuner royal sous les pins. Là t’as raté quelque chose. Dis donc ce que t’as pas raté, c’est l'expo, tes accrochages en pleine nature, intéressant, tu comptes faire visiter ?
- Très drôle, attends je me réveille.
- Ha mais… Il a le lever agressif l’animal ce matin
Et c’est moi qu’il traite d’animal ! On aura tout vu.
- Oui, mon grand ça a été une belle promenade, on a bien ri, tu as déjà vu Alex imiter le Lémurien ?
Je réussis à ne pas recracher ma gorgée de café.
- Je suis content que vous ayez passé un bon moment.
- Bonjour Georges, il est réveillé mon copain, on va pouvoir lui raconter le coup de fil de ce matin.
 
D’habitude le matin, quand quelqu’un vous prépare le petit-déjeuner, on plane dans une atmosphère baignée par une douce odeur de lait, de café, de pain grillé… d'attente et de silence !
 
- Puisque tu ne le demandes pas… Louise a appelé.
- Les enfants, je vous laisse entre jeunes, je vais me reposer au salon. Ne bousculez pas mon petit-fils au réveil. Laissez-lui le temps d’arriver.
Une caresse sur l’épaule au passage, une caresse en réponse sur la main qui passe, un vrai signe de bon matin.
- Quelle heure est-il ?
- Quatre heures Georges.
- Pfffouuu il est tard, alors ce coup de fil ?
- Voilà vieux. Le Dr Louise est d’accord pour tenter l’expérience, c’est elle qui est chargée de piloter l’équipe médicale autour des enfants. Autant te dire que pour ta peinture, elle n’y croit pas du tout, par contre mes sculptures l’intéressent, elle n’habite pas sur Mars elle. Elle propose de nous rencontrer demain pour parler de tout ça. Cela dit j’ai quelques questions si on ne veut pas se retrouver enfermés. Quand tu auras fini de te goinfrer, on pourrait en discuter.
Manger doucement, prendre le temps de trier. Bon le toubib est d’accord, l’étape suivante c’est l’atelier d’art plastique il faut réunir le matériel, que cela ait l’air sérieux.
- Dis l'artiste… t’es avec nous ?
- Alex, laisse-lui le temps.
- Moi je suis en immersion, vous planez les amoureux. On a l’intention de kidnapper cinq enfants hospitalisés, on ne sait pas d’où ils viennent, on ne sait pas plus comment les sortir du sous-sol, on ne sait pas quoi faire d’eux une fois l’opération commando terminée. Bref, on plonge dans le brouillard et on nage dans le flou. T’en es où de ta vallée Georges ? F., tu y as pensé? Il dit vrai ?
Le Lémurien piquait sa crise. Trop de mots en questions.
- Écoute Alex, nous ne sommes vraisemblablement pas seuls tous les trois dans cette histoire. Nous ne sommes que des passants.
- Mais tout le monde ne fait que passer dans ce film !
- Nous sommes un relais. Si j’ai raison les choses vont s’organiser. Je n’ai plus qu’une seule retouche à faire sur la vallée. Pour ce qui est de  F., je le crois et… pourrais-tu ne poser qu’une seule question à la fois ?
- Ha ben là te voilà bien réveillé. Alors maintenant on demande à qui, la suite des événements ?
- Le mieux que l’on ait à faire est d’attendre de rencontrer Louise. Alex je sens que pour les enfants on a une porte de sortie. Quant à ce que l’on va faire d’eux, une fois que l’on en aura fini…rappelez-vous ce que F. a dit : ces enfants sont sur son chemin.
- On va remettre à F. cinq enfants que l’on aura enlevés alors qu’on ne sait pas d’où il vient ni où il va pour sauver le monde. Oui oui, c'est logique.
- Oui vieux. Mais ça fait un moment que l’on s’en remet à lui.
- On est téléguidé ?
- Je ne le vois pas comme ça. Nous avons toujours le choix.
- Qu’en penses-tu Marie-Ange ?
- J’en pense que Georges a raison. Cette histoire ne commencera pas dans la chambre des enfants, elle a déjà commencé dans celle de Rose à sa dernière hospitalisation.
- He ben ! Vous vous êtes bien trouvé tous les deux, vous savez que les prisons mixtes ça n’existe pas ?
- Il faut que je retourne à l’atelier.
- C’est urgent ? Si tu continues on ne te verra plus.
- Ne t’inquiète pas, je n’en ai pas pour longtemps, on se retrouve là-bas dans une demi-heure, après j’aurai tout mon temps.
Je sortis rapidement, l’air frais finit par me réveiller complètement. Alex me rattrapa vite, il se rendait à sa grange.
- Georges, pourquoi j’ai pas comme toi ce réalisme dans mon art ? Après tout, je partage ton histoire ?
- Je ne sais pas vieux. Je pense que cela passe par Rose. C’est pour ça que sans médicament elle se sent bien. Tu aurais voulu que ton chat se mette à bouger ?
- Non, remarque ce serait génial, mais trop... Je me serais satisfait de la sensation d’être vraiment avec l’animal, ce serait fou. C’est d’un potentiel gigantesque ce phénomène… tu as au bout des doigts un talent complètement dingue.
- Oui comme tu dis, mais sincèrement, de tes sculptures il émane de la vie. Surtout la dernière il est impressionnant ton chat.
- C'est vrai j'ai plutôt bien bossé sur celui-là.
- On se retrouve dans mon atelier tout à l’heure.
 
Je comprenais Alex bien sûr. N’était-ce pas ce que j’avais fait avec « la vie en RoseS » ? Un exploit qui relève de la magie, de la fiction absolue, ce tableau et ses pétales qui en coulent légers pour se poser comme autant de caresses à venir... Dans ma cabane.
 
J’avais préparé ce qu’il fallait. Je découvris la toile en gardant les yeux dans le flou, commençai à passer le rouleau dessus, un blanc pur s’étalait sur la nature. Du haut vers le bas, bande après bande le paysage disparaissait. Rideau. Quand toute la surface fut recouverte, je pris du recul.
Une toile vierge, blanche. Un mètre carré de neige. Je percevais encore le paysage, bien moins fortement. « Il neige sur la vallée » c’est ce que F. m’avait dit en nous quittant hier soir.
Je m’assis dans le fauteuil et pris une cigarette, profitant du silence, content d’avoir fini cette étape. J'étais vide, au creux de ma vague. Cela m’arrive de temps en temps, alors je lâche mes pinceaux jusqu'à ce que l’énergie revienne.
 
Je ne suis pas resté seul longtemps, Alex et Ange arrivèrent en même tempset le Lémurien passa de suite derrière le tableau.
- Il est où ?
- Devant toi.
- Mais tu es fou, qu’est-ce que t’as fait ?  Tu as tout recouvert !
- Tu as remarqué ?
- Là vieux, faut m’expliquer. C'est un gâchis invraisemblable Je me faisais un plaisir de la revoir ta vallée, c’est un sacrilège ça ! Le prochain tableau que tu fais, offre-le moi avant.
- Alex nous allons apporter ce tableau aux enfants. A ton avis, une toile blanche ça se remarque ? C’est du blanc d’Espagne, cela se retire au chiffon.
- Ha pardon c’est bon ça ! Très fort ! J'aurais quand même bien aimé la revoir, mais grande idée. Bon ensuite ? Maintenant qu’on peut tout faire entrer, on fait comment pour les faire sortir ?
- Alex, on est dans le plan, on le suit. Jusqu'à présent ça a fonctionné. Mais si tu ne tiens pas à venir je peux y aller seul.
- Écoute moi bien mon ami. J’ai réfléchi longtemps pour savoir si tu n’avais pas disjoncté, je pense que c’est le cas mais que le courant passe encore. Je n’aime pas du tout, l’idée de faire " partie"  d’un plan conçu par un autre. Mais, je ne vois pas comment je pourrais te laisser y aller seul. Parce que je ne sais pas si tu te rappelles mais Louise elle trouve que ta peinture, c’est pas vraiment ce qu’il faut à des aveugles. Je ne t’imagine pas débarquer avec ta toile et tes pinceaux sous le bras. Et de toute façon je veux aider les enfants.
- Fallait commencer par ça.
- Non ! J’ai encore le droit de râler, ça aussi c’est dans le plan.
- Bon… Et si on allait passer un moment avec Rose ?
- Je vous rejoins, je vais préparer du matériel. Ange tu m’attends ?
Je réunis ce qu'il fallait. Sur le chemin de la Villa, Marie-Ange nous arrêta à mi-parcours.
- Georges, comment penses-tu que cela va se terminer tout ça ?
- Je ne sais pas, je n’en ai aucune idée. Je crois que l’étape des enfants est déterminante. Comment a été Rose aujourd’hui ?
- Très bien, vraiment, elle a passé une bonne journée en plein air, Alex et F. ont été adorables avec elle. Elle n’a pratiquement fait que parler de toi. Elle nous a fait la gardienne du musée pendant le déjeuner. On s’est arrêté à un endroit où il y avait plusieurs objets que tu avais laissés. Rose nous a expliqué d’où venait chacun d’eux. Oui Georges, elle était vraiment très bien.
- Tout va bien…Allons la rejoindre.
 
Alex arriva pour le dîner. Nous avons passé la soirée ensemble, à discuter tous les quatre pendant un moment. Rose était en forme. Elle était contente de cette vie qui lui tenait compagnie avant qu’elle ne la quitte. Cet environnement tumultueux, en mouvement permanent lui convenait mieux qu’une chambre d’hôpital. J’aurais dû y penser avant, sans F., rien que pour Rose. Ange s’était beaucoup rapprochée de Grand-Mère. Elle avait un regard plein de tendresse pour elle. Alex aussi, il se comportait avec prévenance et attention. Il me fit la confidence qu’il ramassait tous les jours les pétales de rose rouge au pied de la fleur et qu’il les posait sur le lit de Rose. Il me fit part de son étonnement, ceux-ci semblaient se multiplier, à chaque fois qu’il entrait il y en avait sans cesse plus sous le lit.
 
 
Moins de deux semaines plus tard nous passions à l'action.
Avant, je ne m’occupai à rien d’autre qu’à passer du temps avec Rose. Je ne me suis éloigné que pour rendre visite aux enfants. Trois fois.
 
L’entrée du sous-sol était impossible à trouver sans guide. L’endroit ressemblait à une sorte de complexe anti atomique d’où l’on accédait par un parking souterrain desservant différentes ailes. Toutes les portes étaient doublées et verrouillées par badge magnétique. L’aile aux enfants se situait au bout d’un long couloir vert, desservant quatre pièces totalement hermétiques. Les enfants demeuraient dans l'une d'elle. Un sas rotatif en métal en permettait l'entrée.
Dans la chambre aux sols et murs recouverts d’un même carrelage blanc, de forts néons incolores inondaient l’air d’un bleu léger. Cinq lits étaient répartis, sur chacun d’eux, deux bracelets lumineux posés sur les draps blancs. C’est tout ! Aucun enfant visiblement, alors qu’ils étaient bien là. Les bracelets lumineux c’était eux. Le docteur leur dit quelques mots, pour nous présenter. Elle parlait à un mur, puis à un autre. Nous ne pouvions rien dire devant le spectacle du monologue de Louise s'adressant au carrelage blanc, gentiment, doucement. Très vite elle nous jeta un regard voulant dire "c'est à vous" avant de nous laisser…entre nous.
 
Un sentiment me parvenait de loin ; je le sentais venir pour me remplir. Je me retrouvais dans un déjà vu déjà vécu. La transparence des enfants faisait rappel intérieurement à celle que j'avais traversée, nous étions connectés. Impression paralysante, l’écho qui se produisait dans toutes mes cellules m’anesthésia un moment. Je les sentais en attente sans savoir quoi donner. Alors, je me suis positionné comme le référent, le plus grand de la bande. Je rappelais l’émotion filiale que j'avais ressentie avec F. en le raccompagnant. Alex ne pouvait percevoir ce qui se passait, ne voyant rien bouger, il décida d’entrer en contact.
Il prit les trois sculptures réalisées ces derniers jours, son chat sur le toit, le Lémurien en pleine course, et une baleine surgissant des flots.  Il fit le tour des lits, se saisissant à chaque étape d'un bracelet lumineux pour conduire la main sur les sculptures. Très vite il en oublia la particularité des gamins. Il leur faisait caresser la matière, guidait les petits doigts invisibles sur les détails de l’anatomie de ses œuvres, commentait d'une voix douce. J’assistais à un magnifique spectacle. Mon ami, accroupi, se prêtait à une lente danse de mains autour de ses sculptures à qui il parlait tout bas. Pris par la situation, il voulait communiquer, faire parler ses créations. Les enfants mirent longtemps à émerger du silence de leur transparence. Ils commencèrent à s’opacifier légèrement.
 
À notre deuxième visite, nous les avons mieux vus. Alex réunit ses sculptures en cercle de danse. Lentement, avec hésitation, les bracelets lumineux s’approchèrent des animaux, quand ils furent autour, les enfants prirent encore davantage d’opacité, un bref instant. Ils semblaient être comme tous les enfants du monde, il y avait juste une petite lumière plus vive dans leurs yeux. Nous avons craint un instant que quelqu’un n’entre. Personne. Sauf en moi, assez vite,  j’en ai eu conscience comme un flash. Je ressentais si fort ce partage que je savais qu’il ne s’agissait pas de F. C’était moi en entier, tout mon moi qui résonnait des enfants.
À la fin de la visite, je quittai cette chambre à regret, ressentant une coupure, vive et douloureuse. Un bout de mon âme restait dans le bunker. Alex assumait comme un chef, il se chargeait du rapport qu’il remettait à Louise. Cela faisait partie du contrat. Les médecins voulaient savoir si notre “prestation” portait ses fruits. Il ne disait rien, il faisait état du dépit et de l’espérance qui nous habitait.  Nous reconnaissions ne faire aucune avancée. C'était trop tôt, les petits étaient toujours aussi absents.
Le retour vers la Villa des Roses, se faisait systématiquement dans un grand silence. Il nous fallait un temps d’adaptation avant de pouvoir échanger sur les derniers moments. Nous avions le cœur lourd.
 
Un phénomène important se produisit lors de notre dernière visite. Les enfants reprirent un peu d’épaisseur. Sans une parole je reçus en plus de l'affection qu’ils me portaient, l’attente qui les reliait à moi, identique à ce moment où, petit aux pieds des grands, l’on patiente, pressés qu’ils nous emmènent ; je perçus leur lassitude d’être ici depuis trop longtemps, entre eux, je ressentis la nécessité de revoir la surface, je me vis coupé du reste du monde. Un malaise intérieur prit place jusqu'à ce que nous partions. Dehors, dès que je le pus, je respirai à pleins poumons.
Sur le retour, nous avions fixé la date d’évasion : 24 décembre.
 
Dans la chambre, ce jour-là, 8 heures du matin, j'étais  debout, face à la fenêtre, il neigeait un peu. Le temps était gris mais lumineux. Nous avions convenu de prendre le petit déjeuner ensemble. Rose, Ange et Alex étaient déjà en bas, F. ne devrait pas tarder à arriver. Je traînais à les rejoindre. Qui sait ce qui reste dans le miroir quand vous n'êtes plus devant pour le regarder ? Quelqu'un était sur le point de quitter la surface argentée. La Villa des Roses perdait son reflet, mon cœur s’alourdissait de plus en plus. J'étais en train de mourir en même temps que Rose et ce mot ne me faisait plus peur. Le Georges d’avant descendait du train avec sa grand-mère tant il ne voulait pas qu'elle le quitte, que le train reparte la laissant à quai et cause la déchirure de solitude. Je savais ne pouvoir plus jamais être entier sans Rose. Je compris à cet instant que ceux qui nous aiment emportent avec eux une partie de nous-mêmes.
 
J’entrai dans la cuisine en même temps que F., on se salua de porte à porte ; Rose, Ange et Alex étaient assis, le plat de pain grillé monopolisé par mon ami. Je fis une bise à Rose, une douceur à ma belle, un bonjour à Alex et repartis avec le plat.
- Non, je meurs de faim, je vais avoir besoin de force aujourd’hui.
- F. prend place, je t’en prie.
- Alors F., c’est le grand jour ! Vous n’avez pas un peu de fleurs séchées pour nous donner du tonus?
- Non Alex, je n’en ai pas sur moi. « Chaque jour est un grand jour »,
- Oui hé ben moi, je dis que ce n’est pas un jour comme les autres, on va les sortir de là ces gamins. F., on en fait quoi après ?
 Ben voilà, du Alex!
- Il faudrait le demander à Georges.
- …Dans ma cabane.
Tout le monde tourna son regard vers moi.
- Mais ils vont avoir froid… Georges  une cigarette ? Réveille-toi on parle des enfants. Tu veux les sortir de l’hôpital pour les jeter dans la forêt ?
- Personne n’ira les chercher là-bas. F. veillera sur eux.
Cette fois tout le monde regardait F. qui affichait une mine convenue. Rose et Ange ne disaient mot. Pour la cabane, il fallait que les enfants y soient. Je le savais.
Alex, se proposa de rester avec eux.
- C’est à F. de le faire, les enfants dehors, il prend le relais.
- Georges a raison. Je prends le relais. Nous allons rester dans la cabane le temps que les enfants se reprennent, puis nous continuerons notre chemin. Je ne sais comment vous remercier.
- On ne se remercie pas entre amis, F., à la limite, on offre un peu de fruits ou de fleur séchées.
C'était Rose qui venait de nous surprendre en répondant. Alex, approuvait en riant. C’était des matins comme cela qu’il nous fallait. Du rire… De la vie. Il n’y a que le rire de la vie pour nous faire oublier les pleurs à venir. Ce fut notre devise du jour. Nous avons passé la journée à rire avec la vie.
 
Avec Alex, en aller-retour à travers le parc, nous avons imité la marche du Lémurien, sautillant de côté, bras ballants et cous tendus. Notre jury, Ange et Rose nous demanda plusieurs fois de recommencer, ne pouvant  nous départager. Elles riaient trop. Quand je parlais de la baleine, nous eûmes droit à l'étape gestation créative de mon ami. Alex se jeta à terre,  creusa un trou dans la neige pour en ressortir en poussant un cri effroyable. Nous en avions des larmes plein les yeux. Il fallut quand même se mettre à deux pour l’empêcher de monter sur le toit imiter le chat. Il y avait d'autres animaux, deux oiseaux merveilleux à la porte de ma villa. L’un de noir et de bleu, l’autre de blanc et de feu. Rose et Ange assises sur les marches de l’entrée, près de la rose. Rose plus près du ciel, toute blanche des cheveux aux bottes, ses yeux avaient perdu de leur bleu, un rouge flamboyant lui flottait au cou. Mon oiseau n’avait que le bleu des yeux pour défendre ses couleurs, elle était en noir des chaussures aux cheveux.
L'autre animal au milieu du parc se lança dans une sculpture. Rose le mit au défi de réaliser une girafe. Il s’y appliqua, direct. Il  prit la pose, évidemment, étape indispensable pour ressentir les tensions. Mouvement lent, la tête se tend, le regard cherche au loin, courbure du haut de corps, jambes écartées. Le ballet durait et, tranquillement, l'artiste se mit à l’œuvre. Il commença par réunir de la neige en tas, puis jeta des boules dessus, tailla dedans à coups de tranchant de main. Petit à petit, sans que l'on s'aperçoive du temps passé, une forme haute comme lui apparut. Ce fut magique. Il n’y avait rien de surnaturel, seul le talent de mon ami, en pleine expression, au milieu d’un parc enneigé. C’était un instant rare, nous ne riions plus, nous étions avec Alex. Nous suivions ses mains caresser la matière. Il jouait de la pression comme sur les touches d'un piano. Il y avait de la musique dans ses gestes. Il me demanda de l’eau, sans quitter l’ouvrage.  La laissa couler doucement sur l’animal qui se vêtit alors d’une peau de glace. Mon ami est vraiment talentueux, il a un regard dans l’exercice de sa sculpture que je ne lui connais pas. Pointu, précis, pénétrant, puis çaressant, fuyant et revenant. Il était totalement absorbé par son travail. Nous étions sous le charme.
C’était un grand numéro, nous venions d’assister à une naissance, la girafe des neiges.
Tendue vers le ciel, le museau au vent, en appui sur ses pattes arrière. Une jeune girafe, élégante, noble, magnifique, mouchetée en harmonie,  un collier à la base du cou et un bracelet à chaque patte. Une œuvre d’art.
Alex la termina en nous saluant comme le ferait un clown.  
 
Nous avions déjeuner, ensemble. Mon ami prit Rose par l’épaule plusieurs fois, pour  l’embrasser tendrement. Il y avait beaucoup d’émotion à la Villa des Roses. C’est quelque chose que l’on ne mesure pas l’émotion. Avant que F. ne nous rejoigne, sans moins nous aimer, Rose et moi, nous vivions dans un foyer de sentiments où une respectueuse pudeur maintenait les freins du cœur plus serrés. Depuis l’arrivée de notre jardinier nous étions en roue libre. Nous ne regardions plus dans les rétroviseurs …pas plus la route devant. Nous nous laissions conduire par la chaleur de l'amour d’ici et maintenant. Nous  partagions la sérénité de l'amour de l'autre.
 
Le chemin de F. faisait vibrer l’arbre de la vie aux émotions ! C’était de la perte de ses fruits dont étaient atteints les enfants. A nouveau, des mots laissés en suspens venaient s'éclairer. "Pour tout le monde… C'est important,"
F. agissait sans raison, il n’avait ni histoire ni mémoire. Cet homme détenait les clefs du coffre des sentiments.  
 
J’étais en train de m’enfoncer lentement dans cette réflexion, allongé sur le canapé, la tête sur les genoux de mon ange. Alex avait décidé de mettre Rose en échec, ça allait prendre du temps. Pas d’autres bruits. Un bois qui craque ici ou là. Une rafale de vent dehors, qui s’infiltre dans la cheminé pour nous rappeler sa présence, la nuit qui tombe doucement. Le monde devrait pouvoir nous oublier. Une fois dans notre vie nous faire cadeau d’une trêve. Et si cela était possible je la voudrais maintenant. Là, tout de suite. Il faudrait que je puisse parler au directeur ; il doit bien y avoir un moyen pour avoir un crédit à la banque du temps. Non ? Pas de crédit ? Je le savais, comme toujours il faut payer tout le temps comptant ! Le temps comme la banque, ne fait pas de sentiments. C’est comme ça depuis la nuit des temps.
- Georges
- Oui ?
- Tu as déjà battu cette belle dame aux échecs ?
- Quand elle veut bien ! Mais, là, il va falloir y aller.
- Bien Rose, je suis désolé, nous poursuivrons plus tard, les enfants nous attendent.
- Bien sûr mon garçon, va.
Je pris Rose dans mes bras sans qu’aucun mot ne soit échangé. Ange m’accompagna jusqu'à la voiture, elle me tenait le bras pour retenir l’instant, inquiète. Nous nous sommes quittés comme pour un long voyage, la main de l'un sur le visage de l’autre, joue contre joue  longtemps, bougeant à peine. Je fermai les yeux pour pouvoir nous séparer. Tout le temps qu’elle regagne la Villa je la suivis du regard sans bouger, encore en contact peau à peau.
J’attendais, assis dans mon véhicule,  F. frappa au carreau et vint s’assoir sur le siège passager.
- Tu viens F. ?
-  Oui mais je reste là tu le sais.
- Dis-moi, je saurai faire sortir les enfants…même si je ne sais pas encore comment, n’est-ce pas ?
- Suis le chemin.
- Et après ?
- Après, nous continuerons Georges.
- Je le savais.
 
L’idée que F s’en aille m’attristait déjà depuis un moment.  Je sentais une fin, j’en étais demandeur et je la craignais. Tout mon univers était réinventé. Comme le long d'un processus initiatique, F. m’entrainait en dehors de moi pour me mettre en lumière. Différencier le profane du sacré. J'avais été égoïste dans ma vie passée, pris malgré tout dans l'engrenage. Je me sentais maintenant vraiment différent. Et cette fin prochaine me ramenait inexorablement à ce prochain arrêt, à mon wagon qui allait sous peu se vider du passager qui avait tant compté.
 
F. me tendit sa main ouverte. La première fois que nous avions échangé une poignée de main, c’était à notre arrivée à la villa. Cette fois ce fut très bref, d'un appui plus prononcé. Il avait la main chaude, presque lumineuse, dans les bleus et non dans les rouges. Il me serrait la main sans aucune expression dans le visage, à part deux lumières pleines de vie dans les yeux. Je sentis une irradiation me monter au coude. Alex nous interrompit, en ouvrant la porte, il faillit s'asseoir sur mon passager.
- Vous venez avec nous ?
- Non Alex, à regrets… À tout à l’heure.
Mon ami prit place à mes côtés.
- Allez cocher, en route, suivons la bonne étoile.
F. nous  regarda partir, je le vis dans mon rétroviseur intérieur. Dans celui de droite, en haut des marches il y avait Rose et Ange, dans celui de gauche, au milieu du parc une girafe qui semblait guetter le passage de la lune.
Ces derniers temps, nous avions oublié la maladie de Rose, cette journée se terminait trop vite. Nous étions la veille de Noël. Cela nous était sorti de l’esprit. Nous n’avions pas l’habitude de célébrer les fêtes. Je n’avais surtout pas envie de fêter le premier « dernier » Noël, de quelque façon que ce soit. Et pourtant nous allions faire un superbe cadeau à cinq enfants perdus en dehors du jardin aux émotions.
Il s’était remis à neiger, je roulais avec précaution, Alex rompit le silence.
- Alors c'est quoi le plan?
- Y'a pas de plan
- Tu n'as pas une idée pour les sortir de là ?
-  Aucune !
- Ça c'est de l'aventure ! Tu regardes un film, ça part dans tous les sens, tu ne sais absolument pas de quoi ça parle et ou ça conduit, et tout d'un coup tu t'aperçois que t'es dedans. C'est quoi un rêve ou un cauchemar?
- Une aventure
- J’admire ton optimisme ! Ta vallée c’est pourquoi en fait ? L’idée c'était de faire réagir les gamins, on ne leur a même pas encore montré, j'attendais que tu la sortes.
- Ben voilà, tout arrive.
- Ouai tout et le reste, en passant comme tu as eu l’idée de libérer ces gamins ce soir, je pensais que tu savais par où commencer!
- Je crois savoir, la vallée c'est la porte.
- Quoi ?
- La vallée, quand F. m’a demandé un tableau, il m’a dit tout de suite qu’il n’était pas pour lui. Ce soir nous allons en faire cadeau aux enfants.
- Et après ? On est là pour les enlever pas pour jouer aux Pères Noël.
- Attends qu’on y soit. Je ne veux pas me payer de mots sur ce que j'imagine. Laisse venir.
- Evidemment de toute façon...
 
Pour l’hôpital, je savais que tout se passerait bien. Je n’avais pas l’esprit à partir dans une discussion sur le comment ma vallée pouvait être «  la porte de sortie ». Je rêvais, en quelque sorte, que les enfants puissent en avoir regard, que la vue qu’elle offrait leur donnerait envie d’y plonger. Qu’ils allaient se lancer en file dans l’air,  libres et qu'ils se laisseraient porter, loin. J’avais l’avant-bras droit engourdi. J’ouvris la main, il y traînait des flammèches bleues. Je la refermai tout de suite sur le volant. Mon attention occupée par la route, mon esprit se percha en haut des marches d’entrée de la villa, aux côtés d’Ange et de Rose. Nous avons mis plus de temps que d’habitude pour parvenir à l’hôpital. C’était notre quatrième visite, pile à l’heure. Il y avait du changement. A l’entrée du parking un grand sapin était habillé de boules et de guirlandes.
Nous eûmes la surprise d'y voir un militaire planté devant le sas, il avait reçu des instructions de laisser passer. Ce passage franchi, mon ami partagea mon inquiétude, si l’armée s’en mêlait cela risquait d'être beaucoup plus compliqué. Louise se tenait dans le couloir, devant la porte de la chambre. Elle parlait au soldat de faction. Dès qu’elle nous aperçut, elle se dirigea vers nous.
- Bonjour.
- Bonjour, Louise que se passe t il ?
- Le ministère de la défense prend les choses en main,  il fallait s’y attendre. Cette histoire ne va pas tarder à devenir un secret militaire. Ce bâtiment sera bientôt interdit d’accès. Je vous conseille de récupérer vos affaires, je ne sais pas si vous pourrez revenir. Il y a un capitaine qui désire vous parler. En tout ças, je vous remercie pour ce que vous avez tenté avec les enfants.  Je vous laisse les rejoindre, on se revoit pour l’anniversaire de Rose, au plus tard. À bientôt.
Nous étions au milieu du couloir entre le docteur qui tournait les talons et le militaire raide comme un bois, les mains dans le dos.
- Allez Alex, on y va.
- T’es sûr de ce que tu nous fais faire ?
- Tu préfères rester au milieu du couloir jusqu’au jour de l’an ?
Le militaire  regarda l'arrière de la toile sous tous ses angles. La porte d’entrée de la chambre avait changé. Elle s’était enrichie d’un portique à rayons X. Alex jeta un œil à l’écran pendant que j’entrai dans la pièce, pour s'y engouffrer tout de suite derrière.
Rien n’avait changé, la lumière toujours très blanche aplatissait toutes les ombres. Les bracelets lumineux étaient toujours à la même place, deux par lit. Nous n'avons rien dit. Je disposai la toile dos à l’entrée. Très vite je retirai le blanc qui la recouvrait. Complètement déneigée, de la vallée émanait un souffle de nature en liberté d'où jaillissaient les parfums de l'air à la terre, les sons des oiseaux au vent, la lumière de l'ombre aux reflets… toute cette vie remplissait l'espace de la pièce. Alex était comme en haut de la montagne il affichait la mine de celui qui a fait l'effort de monter,  fatigue en moins. Rayonnant. 
J'étais là, genou à terre, dos à la vallée, je sentais l'air dans ma nuque, j'entendais le vent s'infiltrer dans les arbres, je ressentais l'ombre des nuages qui traversaient le ciel. 
Je regardai la chambre dans son entier, me mis en ouverture, laissai filer mon sentiment. « Vous me reconnaissez ? Je suis le grand frère, l’oncle, le parent qui dit quand on part, et c’est maintenant. Allez les enfants on y va.  Il est temps de se rassembler, de dire au revoir. »
Nous vîmes les bracelets se mettre en mouvement, deux par deux. Je ressentais les enfants au plus profond de moi. Ils se regroupèrent, je restai près de la toile. Un à un ils vinrent me prendre la main, petits doigts chauds et fins que j’entraînais vers la vallée, comme pour les guider vers l'entrée d’un chemin en montagne. Quelques secondes à peine avant de voir tomber un bracelet à terre, puis l’autre. Très vite les dix se retrouvèrent à mes pieds.
Les enfants n'étaient  plus là. Ils étaient quelque part dans la vallée. Ils s’étaient laissés emporter. Je regardais le paysage, j’essayais de suivre l’envolée, des oiseaux prenaient la file de l’air. Mon ami semblait avoir du mal à se maintenir dans le présent de ce qui se passait. Je lui demandai de remettre les bracelets sur les lits pendant que je recouvrais la toile de blanc d’Espagne. Il le fit mécaniquement  très rapidement, sans mot dire, sans vraiment réussir à intégrer je crois, le fait que les enfants avaient réellement disparu cette fois. Nous étions prêts, mon ami, debout, un sac dans chaque main me portait un regard interrogateur, celui d'un gamin à qui on va faire traverser les clous.
- C'est bon là?
- C’est bon, on y va.
J' appelai le soldat.
- Vous repartez déjà messieurs ?
- Oui, ce n’est pas ce soir que nous pourrons faire quelque chose. Les enfants ne réagissent à rien. Ils sont totalement amorphes. Autant qu'on aille réveillonner.
- Passez lentement votre matériel, que je puisse le suivre à l’écran.
Ce  fut fait, regard rapide à la chambre où des bracelets lumineux reposaient sur des lits vides et le militaire referma la lourde porte.
- Attendez, ne partez pas, voilà le capitaine il veut vous voir.
- Bonsoir, Messieurs. Vous êtes les artistes ?
- Oui, capitaine, nous repartons. Je crois que nous nous sommes lancés dans une tentative vouée à l’échec. Et comme ce soir c’est réveillon, autant faire la fête.
-  Tant mieux, il est préférable que vous ne passiez pas plus de temps avec nos pensionnaires. J’ai vos coordonnées, il est probable qu’on vous appelle afin que vous nous fassiez un rapport de vos visites.
- Nous l’avons fait, comme à chaque rencontre, capitaine, le docteur Louise B. a tout consigné.
- Je sais, j’ai lu, mais elle ne vous a pas posé les bonnes questions.
- C’est quoi les bonnes questions ?
 Non, Alex… Non ! Ne t’en mêle pas. Vite que l’on s’en aille
- Vous le saurez quand on vous les posera. Ce lieu devient terrain militaire à partir de demain matin, couvert par le secret défense. Vous savez ce que cela veut dire ? Vous êtes dorénavant tenus à la plus grande confidentialité.
- Vous savez mon capitaine, on n’a rien vu !
- C’est à propos de ce que vous n’avez pas vu qu’on ne veut rien entendre.
- C’est entendu et compris mon capitaine, on peut y aller ? La route est mauvaise, nous ne voudrions pas arriver trop tard.
- Je vous en prie, et Joyeux noël.
- Joyeux noël mon capitaine.
Nous avons très vite chargé le matériel dans le coffre, la vallée sur les sièges arrière, Alex à côté de moi était assis sur des œufs. Il ne réussit à ouvrir la bouche qu’à la sortie de l’enceinte de l’hôpital.
- Georges, c’est la première fois !
- Que ?
- Que je souhaite joyeux noël à un capitaine. Vieux…Ton tableau…là on est dans une toute autre dimension. Tu bouleverses toutes les lois avec une telle réalité d'émotion et…les enfants …dis-moi qu'ils sont dedans …
- Tu ne sautes pas de la voiture?
- Tu plaisantes ! T’as vu le temps ?
Il se retourna,  souleva la toile, …
- T’es sûr qu’ils ne sont plus à l’hôpital ?
- Ils sont dans la vallée. C’est pour ça que F. m’a demandé ce tableau.
- Sûr ? Les enfants sont entrés dedans ? Je n’ai pas voulu y croire tout à l’heure. Alors c’est ça ? Tu as peint un tableau qui est une porte ? Et tu me dis ça comme ça,… C’est complètement dingue !  C’est tout ce que ça te fait…
- Si cela n’était dû qu’à moi, je me poserais suffisamment de question pour finir dans un asile.
-  C'est insensé, tu vas garder cette faculté ?  Faire des tableaux qui ouvrent des portes sur ailleurs… Attends faut se poser deux secondes là, ça veux dire que…
-  Ne te pose pas, ça ne m’intéresse pas.
- T’es devenu fou ?
- Non, je ne sais même pas si je vais repeindre un jour. Il y a toujours un prix à payer et je sens que l'addition est pour moi.
- Je ne te reconnais pas. Tu sais, tout à l’heure dans la chambre, lorsque tu as tendu la main vers les enfants, j’ai cru voir des petites flammes bleues s’échapper de ta paume.
- Tu as cru voir, c’est l’émotion toute la lumière est bleue là-bas.
- Ouais. Dis-moi, tu te souviens la dernière fois que t'as essayé un de mes patchs ?
- Comment ? Je n’ai jamais essayé tes trucs, pourquoi tu me demandes ça ?
- Je voulais savoir si tu es toi.
- ?
- S’il y avait quelqu’un d’autre, en toi.
- Ça, ce n'est ni vrai ni faux.
- Je vais te dire, à l’avenir, si y'a rien dans les salles, je viendrai te rendre visite. C’est mieux qu’un film en 3D ce qui se passe ici.
Alex passait son temps à se retourner pour regarder la toile blanche. Il me tapa soudain sur l’épaule.
 - Il vaudrait mieux que tu t’arrêtes.
- Du monde derrière ?
- Oui et par ce temps il ne vaut mieux pas qu’ils essayent de nous doubler!
Trois jeeps militaires gyrophares allumés tentaient de nous rejoindre dans le rétroviseur, lorsque je ralentis, elles se mirent en plein phares et feux de détresse. Je m’arrêtai dès que je le pus. La première jeep stoppa pare-chocs contre pare-chocs. Une autre nous dépassa tout de suite pour en faire autant devant. Des militaires casqués en descendirent, encadrant notre véhicule. Tout se passa très vite. Je baissai la vitre et me pris une rafale …de neige en plein visage.
-  Messieurs…Descendez, s’il vous plait.
Un militaire apparemment gradé me demanda de rejoindre Alex de l’autre côté de la voiture. Un autre, main sur son arme se tenait près de nous. Le reste de la troupe se mit à vider entièrement le véhicule et à disposer des balises sur la route. Tout ce que contenait la voiture vint s’échouer sur le bas-côté. Je demandai à ce qu’ils remettent tout de suite la toile à l’abri. Je m’inquiétais  à l'idée de la neige fondante sur le blanc d'Espagne qui ne résisterait pas. Pendant près d’une demi-heure, Alex tapa des pieds, les mains dans les poches ; il suivait les déplacements militaires dans toutes leurs directions. Les soldats pointaient leurs lampes sous la voiture, dans l’habitacle, ils mettaient en lumière tous les recoins du coffre. Ils cherchaient des traces, un signe, quelque chose pouvant laisser croire que les enfants étaient passés par là. La neige tombait en pluie, je regardais le sol s’arrondir.
Après s’être entretenu par radio, le plus gradé vint nous rejoindre pour demander à ses hommes de tout remettre en place.
- Messieurs, vous êtes bien les deux artistes qui venez de l’hôpital?
- Oui que se passe t il ?
- Lorsque vous avez quittés la chambre, tout à l’heure où étaient les occupants ?
- Sur leur lit sans bouger.
- Vous les avez touchés ?
- Non jamais d'ailleurs. Pourquoi ?
- Ils n’y sont plus.
- Ha bon ? Nous les avons quittés, il y a à peine une heure de cela.
- Oui, visiblement ils ne sont pas avec vous.
- Évidemment, que feraient-ils avec nous ?
Alex ! Mon ami, ne dis rien…. laisse passer,… ils ne peuvent pas les trouver. Le militaire nous regardait de haut en bas.
- Bien je vous prie de nous excuser, vous pouvez continuer votre route.
Au moment de repartir, Alex ne put s’empêcher de lâcher par la fenêtre à l’intention des militaires qui dégageaient la route …
- Joyeux réveillon ! …Georges, tu vas pas me croire ils m’ont répondu ces andouilles.
- Ils t’ont dit quoi ?
- Merci, à vous aussi !
Et mon ami partit dans un éclat de rire qui remplit tout l’habitacle. Il avait besoin de lâcher la pression et puis cette histoire viendrait accréditer tout l’amour qu’il porte à la population militaire.
 Je n’avais pas envie de rire, j’étais soucieux. Maintenant qu’ils s’étaient aperçus de la disparition des enfants, les choses risquaient de s'accélérer. Alex était retourné vers la toile posée sur le siège arrière.
- Bon hé ben ils n'ont rien vu, tu es devenu un grand magicien. Alors, dis-moi, tes pouvoirs, tu vas les garder ?
- Je te l'ai dit, je ne crois pas.
- Georges, tu sais que tu es incroyable quand même ?
- Pourquoi ça ?
- Tu es le seul type que je connaisse, qui embauche un jardinier, lointain parent d'un extra terrestre, tu lui rends service, sans rien lui demander, et en plus tu ne veux rien garder de ce qu'il pourrait te laisser.
- Qui t'as dit que je ne recevais pas de salaire Alex ?
- Ha ! Nous y voilà… Alors, t’as demandé quoi ? Des pinceaux magiques ? Des super patchs ?
- J’ai été payé d’avance. Rose était à l’hôpital. Jamais tu n’aurais pu imaginer qu’elle puisse passer une journée comme celle d’aujourd’hui. Sans F. elle serait dans sa chambre à attendre dans la douleur.
- Très juste. Tu vas en faire quoi de ta vallée ?
- Elle va rejoindre le premier.
- Quoi? Il y en a un autre et tu ne me l’as pas montré. C’est quoi ? Il est où ?
- C’est un portrait de Rose, tu pourras le voir tout à l’heure. Je ne voulais pas en parler avant que tu ne te sois un peu habitué au « climat ».
- Si cela peut te rassurer, je ne me suis habitué à rien du tout. J’ai l’impression d’avoir traversé l’écran de mon téléviseur, pendant… une belle fiction. Donc t’as quand même réussis à nous faire un tableau de Rose. Ça a dû te coûter.
- Non justement, il est né sous mes doigts, presque tout seul. Et tu sais la vallée…C’est rien à côté.
- Là clairement, j’ai du mal à l'imaginer !
- Attends de voir. On est presque arrivé.
 
Notre plan inconnu s’était bien déroulé. Comme si nous avions fait un aller-retour sans nous arrêter. Ça avait été très facile. Il est beaucoup plus facile d’agir par émotion que par raison. Je n’avais réfléchi à rien, j’avais suivi comme F. me l'avait dit, et tout s’était déroulé comme un mécanisme d’horlogerie. Je le savais déjà, toute la vie d’un homme peut être une œuvre d’art, tout dépend des chemins qu’il se choisit du cœur à la tête.  Malgré tout, j'avais du mal à garder à l'esprit que dans ma vallée assis en pleine nature, derrière, sous les couleurs de l’hiver il y avait cinq enfants, aveugles et transparents.
A la Villa des Roses il semblait n’y avoir personne. Nous nous rendîmes en courant à la cuisine. F. s’y trouvait seul.
-  Où sont-elles ?
- À la cabane Georges, tout va bien. Et pour toi?
- Tout va bien aussi …je crois.
- Allons les rejoindre.
La toile contre moi moi, nous marchions rapidement, F. en tête, mon ami derrière. Notre guide n’hésitait pas et avançait vite. Il neigeait de moins en moins, au fur et à mesure que nous avancions dans le sous-bois, le brouillard se dissipait. Arrivés sur place, la nuit était bleue, le ciel nettoyé. Il y avait un grand feu, Rose et Ange assises un peu plus loin à une table de rondins, se levèrent en même temps. Ange vint aussitôt se blottir dans mes bras.
- Ça a été ?
- Sans problème.
Rose regardait la toile blanche.
- Les enfants ?
- Ils vont bien Rose.
Alex arrivait, en débarquant sur la place, il poussa un cri.
- Houhou ! C’est la cabane des sept nains ici comment va Blanche neige?
F. se tenait près de moi, ne disant rien. Je l’invitais à monter dans mon refuge.
Ma caverne avait été réaménagée. Cinq petits lits de camp de fabrication artisanale se répartissaient l’espace. Sur chacun d’eux reposaient les paquets que Rose avait rapportés de la ville. Contre le mur, face à l’entrée « la vie en RoseS » n’avait pas bougé, toujours dans sa boîte de transport. Je me saisis d’un chiffon pour ôter le blanc qui recouvrait la vallée comme on essuie la buée qui s'est déposée sur une fenêtre. En évitant de me laisser capter par l’image, je la remis entre les mains de F. qui s’en saisit avec d’infinies précautions me portant un regard profond que je ne sus traduire ; je ne pouvais rien dire, je ressortis. Je vis en bas Alex à côté du feu de camp imiter le soldat près de la voiture. Rose et Ange riaient, je  descendis les rejoindre.
- F. est resté en haut ?
- Oui Alex, je crois qu’il va accueillir les enfants.
- Ils reviennent quand ?
- Je ne sais pas.
- Et si on dînait ?
C’est Rose qui fit cette proposition. Nous n’avons pas attendu F. qui commençait déjà à sortir de notre histoire.
 
Les femmes s’occupèrent de tout, nous choyant comme si nous étions des combattants revenant du front. Tout était prévu. Les plats surgissaient de je ne sais où, la table dressée très vite était très belle, je reconnus un de mes bougeoirs abandonnés. Un réveillon de noël au milieu de la forêt, sous les étoiles, autour du feu. Nous avions tous très faim. J’étais content d’en être là. Je regardais Rose, elle se comportait comme si elle ne devait jamais mourir, ne posant pas de question. Rien à propos des enfants, pas davantage sur la façon dont ils étaient sortis, ni comment ils allaient revenir. Elle en savait beaucoup plus qu’elle ne le laissait paraître, visiblement elle délaissait sa raison pour ses raisons, ce qui la nourrissait des fruits de l'arbre du bonheur. A la fin du repas, le champagne était dans les verres, nous étions autour du feu, je tenais grand-mère par l’épaule, Alex en faisait autant avec Ange. C’était un grand moment aux émotions, de toutes les couleurs, chaudes, de celles qui vous traversent la peau. Le bonheur peut être fait de choses simples. Un grand feu, des gens qui s’aiment autour. Une recette cachée au fond de la forêt.
Alex posa un bras autour de mes épaules, verre à la main ; nous regardions le bois s’offrir aux flammes.
- Georges si tu ne peins plus, mets-toi à l’écriture, raconte cette histoire.
- Les mots ne tiennent pas sur ma palette, essaye de ne pas grandir trop vite toi.
- Ouais j’y travaille, dis donc ta merveille des merveilles, elle est où ?
Je lui montrai la cabane, en levant les yeux nous aperçûmes F. à sa porte. Il nous fit signe de le rejoindre.
 
A peine entrés, la scène devant nous était digne d’un grand rêve, si cela voulait encore dire quelque chose !
 
Les enfants étaient vêtus de neuf, tous les cinq assis face à La vie en RoseS. Ils se nourrissaient du tableau de Grand-mère, ils ne faisaient qu’un avec lui.  Une lumière bleutée leur venait de l’intérieur et les enveloppait dans un cocon lumineux. Ils avaient repris de l’opacité. Lorsque nous avons pénétré l'espace aucun d’eux ne bougea. Alex paraissait emporté. Ce n’était pas mon tableau qui était le centre de la scène. Toute la cabane et ses occupants étaient liés en assemblée lumineuse. Je ne savais plus où nous étions, cet endroit avait perdu toute réalité. Il me fallut quelques secondes avant de pouvoir, doucement, presque mécaniquement, m’approcher. J’avais envie de toucher les enfants, de les prendre dans mes bras, je sentais qu’ils le savaient et en partageaient l'envie. J'avais le sentiment que mon cœur prenait tout l'espace dans mon corps. Lentement, je saisis ma trousse, au milieu des pétales dans la malle. J’en sortis, deux pots et deux pinceaux, me mis à genoux, face à Rose.
J’étais seul avec Grand-mère, au centre d’une roue de lumière. Je voyais que les enfants s’abreuvaient à cette « peinture » comme à un réservoir d’émotion pure, récupérant leurs contours. Délicatement, je pris un peu de teinte, au bout d’un pinceau, avec infiniment de prudence, je déposai deux petites pointes, une dans chaque iris de Rose… J’en estompai le cercle, pour fondre l’ombre à la lumière… la dernière touche…une pointe plus claire , légère… Voilà… Des larmes me coulaient sur les joues. Ce fut un geste sensible, du corps entier, intime, à cœurs collés, respirations coupées, pour ne pas trembler. Le miroir de l’amour que je portais à Grand-Mère, vivait dedans et dehors complètement.
Je me relevai avec peine, reculai à regret. J’eus l’impression de sentir tous les enfants sur moi, à mon cou, dans mes bras, sur mes épaules. Une embrassade semblable à un retour chez les siens, suite à une longue absence. Je me sentais lié à ces petits, comme s’ils étaient  ma famille. Il y avait dans cette fusion, un sentiment d’extrême pureté.
Je me retournai doucement, encombré par cette profusion, eux n'avaient pas bougé, F. assis près d'eux face à mon tableau.
Je rejoignis mon ami près de la porte, il était toujours immobile. Puis nous sommes redescendus, Alex faillit mettre pied à terre, beaucoup plus vite…
Nous reprenions notre souffle, au bas de l’échelle, un moment sans mot.
- C’est une histoire de fou, là c'est le summum !
- C'est surréaliste !
- Tout le monde est devenu fou ! Le diable ou le bon dieu te rend grâce Georges, personne n’a jamais peint comme ça ! Ce tableau est la quête de tous les peintres, de tous temps, il est sublime ! Tu as peint la vie…Les enfants, ils vont bien, ils dégagent une ambiance… Un vrai bain de jouvence…Vous aviez raison, peu importe d’où vient F., qui sont ces enfants. Ils fonctionnent à l’amour, c’est leur carburant. Et ils sont contagieux ! Tu aimes tout le monde après ça, il faut que j’embrasse quelqu’un tout de suite moi, où sont les femmes ?
Rose et Ange étaient assises, les enfants étaient revenus, tout allait bien. Les restes du repas avaient disparu, elles avaient froid, toutes les deux. Nous sommes repartis de suite. Je tentai de raconter ce que nous venions de vivre. Les mots dans la nuit suivaient la trace des étoiles, à fleur du tapis de neige. Alex paraissait sur une autre planète. Rose et Ange tremblaient.
 
A la Villa, nous avons opté pour une infusion à partager ensemble au salon, épuisés tous autant les uns que les autres. De l’avis commun, nous montâmes nous coucher… avec les infusions.
- Georges, cette journée est la plus belle de ma vie. Il y a de la magie ici.
- Oui mon ange il y a de la magie dans l’amour.
 
Je ne sais pas si nous avons bu nos infusions, nous n’avions plus froid, je ne sais pas qui a éteint la lumière, je ne sais pas quand nous avons fermé les yeux.
J’étais vide, léger … m'envoler…me laisser emporter.
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F. (fiction) chapitre 8 :: Commentaires

EPONINE52
Re: F. (fiction) chapitre 8
Message 13.12.16 15:58 par EPONINE52
Very Happy Very Happy Very Happy Nous nous laissions conduire par la chaleur de l'amour d’ici et maintenant. Nous  partagions la sérénité de l'amour de l'autre.
 
Le chemin de F. faisait vibrer l’arbre de la vie aux émotions ! C’était de la perte de ses fruits dont étaient atteints les enfants. A nouveau, des mots laissés en suspens venaient s'éclairer. "Pour tout le monde… "Comme c'est beau ! quelle belle pépite parmi tant d'autres ! Combien tu as raison lorsque tu dis que lorsque ceux que nous aimons partent, ils emportent avec eux quelque chose de nous, c'est si pertinent et j'aime "le temps, comme les banques, ne fait pas de sentiments" bref faudrait que je recopie tout ! Encore une fois et tant pis si je fais la rabâcheuse de servir mais j'adooore la manière dont tu mêles d'une façon toute naturelle l'extraordinaire au quotidien, le lecteur n'est pas même étonné et te suis et ça c'est une sacrée prouesse ! J'ai adoré l'épisode de la vallée et des enfants dans le tableau, ainsi on commence à comprendre que comme le disait Eluard "Il n'y a pas de hasards, que des rendez-vous" ! Ta fabuleuse histoire nous le prouve bien ! Tout depuis l'arrivée de F avait un sens,et même avant, dès le naufrage, toute chose était connectée et Georges l'a compris lorsque, durant une de ses visites, il sent l'émotion des enfants sans qu'il est besoin de les toucher ! L'épisode à la fin où les petits regardent le portrait de Rose est vraiment émouvant à l'extrême, cette femme sur le point de quitter le train envoie tout son amour et sa bienveillance en sauvant des enfants ! Bien vu aussi l'arrivée des militaires parce que sûr qu'on ne sait pas tout ce qu'ils trafiquent avec leurs essais sur les hommes en les faisant prendre des drogues (j'ai lu ça dans un article très sérieux) ! Bref j'suis toujours aussi emballée ! J'aime la sérénité, qui, par ricochet, nous envahit en te lisant Nessim ! tu l'auras compris CHAPEAU A RAS DE TERRE pour ce récit aux accents surréalismes toujours aussi captivant, intéressant, émouvant, perturbant, pertinent, superbant, extradordinant et j'en passe ! merciii pour cette bouffée d'amour et de bienveillance distillée par tes mots ! à bientôt et je confirme faut le publier !!! j'te ferai une pub d'enfer ! vrai de vrai !! à bientôt et douce soirée loin de ce monde malmené qui peine à aimer et aider ! à bientôt !  flower king geek cheers cheers cheers
avatar
Re: F. (fiction) chapitre 8
Message 11.01.17 11:44 par nessim
il n'y pas de hasard que des rendez vous...oui et c'est presque mathématique, ce que nous faisons dirige le choix de l'avenir vers nous. Tout ce que nous faisons prépare notre avenir. je lis pas mal sur la "synchronicité" en ce moment c'est assez troublant.
je suis content que tu ne lâches pas le fil, tu sais j'ai écris cette histoire en la vivant au fur et a mesure, sans plan préalable ni fiche descriptive des personnages et lieux (on m'a traité de doux dingue, des amis auteurs) et cette histoire à tout de même une cohérence, comme si tout le texte était contenue dans le premier mot de la première page, je n'aurai fait que "dérouler" ça c'est un exemple de synchronicité :-) bise Christine merci à toi
Re: F. (fiction) chapitre 8
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F. (fiction) chapitre 8

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