aquarelle de l'auteur



L’écume qui me précède n’a pas les couleurs de la bruine blanche
Elle m’éclabousse avec des mots habillés des couleurs du passé


Je me suis embarquée sur le quai des souvenirs oubliés
J’ai payé ma traversée d’un billet estampillé aux deux mats d’une lanche*


Je suis partie sans bagages, avec l’incertitude d’arriver à bon port.
Sur le bateau qui glisse dans les eaux, il n’y a aucun mousse


Je suis seul capitaine et les embruns se fendent sous la lune rousse
Elle leur donne la couleur sanguine d’un vieux tableau qui dort


Je me tiens à la proue, baignée des gouttes d’un lointain passé
Les images éclaboussées se bousculent sur mon visage qui ruisselle


Il y a de si beaux souvenirs rieurs que je les garde en précieuse dentelle
Et ceux qui mordent et qui pleurent que je jette à la volée


Les souvenirs n’ont d’importance que celle qu’on veut bien leur donner
Grandement temps est venu de les regarder et de les bien trier,
Grandes nécessités étaient de refaire toile blanche


Mon cœur a préservé l’essentiel du passé pour tracer l’avenir
L’écume qui me suit s’est parée des couleurs des pages à écrire
Les embruns désormais seront gardiens de mes anciens maux


L’écume crème et bleue devant moi sera l’encre de mes mots nouveaux
Je tiens ferme la barre et j’ai hissé la grand’voile de talanche*.
Le vent me poussera armée de mes leçons de naguère


J’irai la tête nue, l’armure à terre et libérée de ma guêpière
Il y tant encore de souvenirs à construire droit devant,
Et j’en serai le capitaine et le maître conscient.


Que me guident l’écume et le vent
Que me suivent les embruns du temps



 
* Lanche : petit bateau à faible tirant d’eau muni de deux grands mats
* Talanche tissu mi soie, mi laine